Dans un contexte de réforme de l’accès à MaPrimeRénov’ (MPR), 29 organisations, réunies pour défendre l’intérêt de la rénovation énergétique, ont adressé une lettre ouverte à Michel Barnier, Premier ministre. Leur demande est simple mais essentielle : maintenir le dispositif MPR mono gestes pour les logements mal isolés, c’est-à-dire ceux ayant des étiquettes F et G sur le diagnostic de performance énergétique (DPE). Un questionnement se pose alors : Pourquoi s’opposer au retour du DPE obligatoire avant travaux en janvier 2025 ?
Rappel des réformes MPR :
Pour bien comprendre la situation, revenons sur les événements marquants du premier semestre 2024. La réforme de MaPrimeRénov’, entrée en vigueur le 1er janvier 2024, a modifié l’accès à l’aide en rendant le DPE préalable obligatoire. Ce changement a des implications directes selon les classes énergétiques :
– DPE A à E : accès à MPR pour des travaux mono gestes
– DPE F et G : nécessitent une rénovation plus extensive avec un parcours accompagné (Mon Accompagnateur Rénov’)
Les travaux mono gestes sont souvent liés à des améliorations spécifiques, comme l’installation d’un système de chauffage moins polluant, tandis que les rénovations d’ampleur impliquent plusieurs gestes d’isolation. Pour apaiser les critiques, un arrêté du 21 mars 2024 a temporairement suspendu l’obligation de présenter un DPE lors des demandes d’aides entre mai et décembre 2024, rendant l’accès à MPR plus flexible durant cette période.
Les arguments des signataires :
Les organisations signataires de la lettre mettent en avant un argument fort : l’effondrement des travaux de rénovation aidés. Selon elles, la fin brutale de l’aide sur les mono gestes a entraîné une chute de 56 % des actions dans ce domaine, représentant 87 % des rénovations. Elles soutiennent également que la dynamique de la rénovation par gestes n’entrave en rien la réhabilitation globale.
L’analyse de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) révèle, toutefois, qu’une hausse des demandes pour des rénovations par gestes a été observée après la suspension du DPE obligatoire. En revanche, les rénovations d’ampleur stagnent, et il faut attendre des bilans plus complets pour évaluer pleinement l’impact de ces changements.
Instabilité et nécessité d’efficacité :
Un autre point crucial souligné par les signataires est l’instabilité qui provient des modifications fréquentes du dispositif, freinant ainsi la massification des travaux de rénovation. Si le ministère de la Transition écologique avait consacré plusieurs mois à la présentation de la réforme MPR 2024, la remise en question quasi immédiate de ce cadre nuit à la prévisibilité pour les acteurs de la rénovation.
Avant de revendiquer la stabilité, il est essentiel d’examiner l’efficacité du dispositif en place. Avec des objectifs ambitieux pour améliorer la performance énergétique du parc immobilier, des doutes subsistent quant à la capacité du système actuel à satisfaire ces exigences.
Les changements à venir concernant MaPrimeRénov’, notamment les ajustements aux règles d’écrêtement, devraient apporter davantage d’équité et d’incitations pour les ménages de différents niveaux de revenus, mais ils soulèvent aussi des interrogations.
Intérêt collectif vs. intérêts sectoriels :
Les défenseurs du maintien des aides pour les passoires thermiques soulignent également l’impact social de ces dispositifs. Ils prévoient qu’en l’absence d’aide pour les mono gestes, de nombreux ménages risquent de ne pas bénéficier de réductions significatives de leurs factures énergétiques, ce qui va à l’encontre des objectifs de décarbonation.
Cela dit, la rénovation d’ampleur demeure le moyen le plus efficace pour réduire les factures énergétiques et répondre aux enjeux climatiques. En effet, pour parvenir à des objectifs ambitieux de décarbonation, il est impératif de massifier les rénovations globales. Le rapport engagé par la CAPEB démontre bien que seule une petite fraction des projets de rénovation répond à ces critères.
Vers une réévaluation du DPE :
Il est également fondamental de souligner que le DPE ne pourra être contourné par les propriétaires. Les diagnostics réalisés avant juillet 2021 perdront leur validité au 1er janvier 2025. Le DPE est la première étape d’un projet de rénovation, et sa masse de données contribue à peaufiner les politiques de rénovation énergétique, qu’il soit un critère d’éligibilité aux aides ou non.
Dans la suite de cette réflexion, le débat autour de MaPrimeRénov’ et des passoires thermiques est bien loin d’être clos. En réaction à cette lettre ouverte et aux préoccupations exprimées, d’autres acteurs de la filière, incluant le collectif Rénovons, appellent à rétablir le dispositif antérieur à la réforme de mai 2024, soulignant ainsi la nécessité d’un dialogue constructif et informé.
À l’issue de cette évolution réglementaire, il est essentiel de se rappeler que l’objectif ultime est d’améliorer l’efficacité énergétique du parc résidentiel français et, par conséquent, de contribuer à la lutte contre le changement climatique.